Bishop, le retour

21 février 2015


Suite à un coup de cœur lors de mon roadtrip nord américain en 2013, je voulais absolument revenir sur Bishop aux États-Unis. Bien que séduite par le cadre et le rocher, j’étais juste restée frustrée de ne pas avoir pu profiter de tous les secteurs, car en septembre, les températures peuvent vite être chaudes, voire exténuantes.


C’est donc pour ces dernières vacances de Noël que j’ai convaincu Thom (mon frère), Emilie (sa compagne) et Josh (besoin de le présenter ?) d’aller y passer deux semaines. Etant donnée la période hivernale et une altitude à 1200 mètres au plus bas, nous nous attendions à de la neige et du froid, et avions parié sur la moitié des journées grimpables. Au final, nous avons eu du beau temps tous les jours, pas de neige, et des températures presque trop chaudes les premiers jours. La deuxième semaine, il y a bien eu des chutes de neige sur les sommets environnants. Il a fait plus froid, mais l’air fût exempt d’une humidité résiduelle. Les conditions étaient au top et nous nous sommes calés sur un rythme de croisière : 2 jours de grimpe / 1 jour de repos pour refaire autant que possible un peu de peau.


Accès

Normalement, le plus rapide est de voler jusqu’à San Francisco et de couper à travers la Sierra Nevada par la route 120, laquelle d’ailleurs fait passer par l’entrée du parc national du Yosemite. En hiver cependant, cette route est coupée, et il vaut mieux atterrir à Los Angeles et remonter la route 395 pendant environ 4h.


Logement

Bishop est dans une très large vallée désertique, bordée par la Sierra Nevada à l’ouest et les White Mountains à l’Est. Les nuits sont très froides pendant l’hiver et certaines journées peuvent aussi être sous l’emprise d’un vent glacial. Bien que certains de nos amis venus pour quelques jours s’y soient essayés aux alentours des secteurs Happies and Sads, je ne conseille pas le camping en cette saison comme solution d’hébergement sur plusieurs jours, au risque de ne vraiment pas être opérant pour grimper. Je conseille donc, soit de louer un camping-car, ce qui se pratique couramment aux US, soit tout simplement de rester dans un des motels de la ville, lesquels pour un prix abordable, sont très confortables. Si vous vous y prenez à l’avance sur des sites internet de réservation, vous pouvez profiter de sérieuses réductions, et sur 15 jours finaliser de très bons prix. Certains motels offrent des petits extras, comme des boissons chaudes à volonté, ou l’usage d’un jacuzzi en extérieur...

Commodités

Bien que la ville soit petite et peu vivante en hiver, il y a tout à Bishop. Pour les restos, mes coups de cœur vont vers le Holy Smoke Barbecue où nous avons fêté le réveillon de Noël, et le Yamatani, un restaurant japonais où les sushis ont régalé notre réveillon de Nouvel An. Cependant, il y en a pour tous les goûts, de l’italien au mexicain, du fast food standard au bowling où la viande est délicieuse... et il y a même un restau, dit français.

La grimpe

Nous avons passé la plupart de notre temps sur l’ensemble du site des Buttermilks, qui s’étale sur plusieurs sous secteurs à l’est de la ville. C’était notre lieu principal d'évolutions durant ces deux semaines. Pour varier la perspective du décor et les plaisirs, nous avons aussi passé quelques séances sur le site des Happies and Sads, où j’avais passé la plupart de mon temps en 2013. Le plan de situation est sur mon blog précédent Les perles de l'Owens-Valley.

Le topo et tout le matériel nécessaire sont disponibles dans les magasins de sport de la ville. Les crash pads y sont en vente ou à la location. Dans notre cas, nous en avions emmené 3 depuis la France, dont la somme des masses était intégrée au quota de bagages admis par la compagnie (à l'aller seulement sur la même compagnie...) + 2 autres sur place.


Buttermilks - Main area

C’est le secteur référent du site, avec de nombreux blocs répartis sur une colline. Bien que magnifique, avec une vue dégagée sur la vallée, l’endroit attire énormément de grimpeurs de tous niveaux. Ce terrain de jeux se partage parfois avec la foule des champs Elysée un 14 juillet. Heureusement, la situation n’arrive que durant les week-ends et les jours fériés, où se retrouvent beaucoup de grimpeurs de Los Angeles, San Francisco et des environs.


Les croix sont multiples pour nous, avec des blocs tous aussi originaux les uns que les autres. Petites mentions spéciales :

  • The Buttermilker en 8b, un joli cadeau physique et technique que Josh enchaîne le jour de Noël.
  • Pope’s prow en 7a+, une proue plutôt technique qui maintient en apnée pour des mauvais pieds dont il faut travailler le contact... et la hauteur spécifique des High Balls pouvant emmener les pensées à parfois 8/10 mètres et plus, de quoi perturber l'attention la plus résiliente. La ligne laisse une part de créativité s’exprimer. Chacun de nous a eu sa version. Thomas la parcourt assez rapidement, avec une méthode bien à lui jouant sur l'équilibre et un rétablissement piscine.

Les quelques lignes d’échauffement sont également très sympa.


Buttermilks - Dale’s Camp

Peu de blocs pour ce secteur, mais des blocs vraiment sympas et un rocher de qualité. Petit bonus, l’accès se fait par un chemin un peu différent du secteur principal, ce qui offre une tranquillité bien appréciable.


Mon principal coup de cœur fût le bloc Xavier’s roof, un 8a sur lequel j’espérais pouvoir projeter mon style après lecture. Il commence par 5 mouvements sur des arqueés crochetantes dans un sérieux dévers à plus de 45 degrés. Une grosse inversée permet alors de souffler un peu. J’ai trouvé là de quoi comprimer un genou pour soulager l’effort. D’ici, s’enchaînent plusieurs mouvements éloignés pour sortir du surplomb sur des réglettes décentes. La complexité du crux suivant est de se rétablir hors de la rupture du toit pour engager un mur dalleux en léger dévers, avec juste ce qu’il faut au niveau du réta. S’en suit un grand vide de prises, jusqu’à la prise finale du bloc, un énorme trou, très bon sur sa lèvre d’arrivée. Pour me dégager, j’ai une main gauche qui repousse, au niveau de la lèvre, et une main droite très haut à droite dans le mur. Il faut alors arriver à monter le pied droit à la limite de la lèvre, à bien positionner son corps le plus haut possible sur la carre interne, pour, dans l’idéal, relancer main droite tout en haut jusqu’au trou salvateur. Dès mon premier essai, j’ai résolu tous les mouvements jusqu’à la dernière relance. Seule mon allonge m’en a privé et mes sensations ne me laissaient pas de doutes sur ma capacité à enchaîner par une lecture des détails additionnels qui me seront nécessaires. Pour chaque voie ou chaque bloc que j’aborde, j’ai une acuité des sens épidermiques me permettant une réalisation à vue. N'ayant pas abouti dans ce dernier mouvement, je pensais cependant que ça allait faire vite, mais au final j’ai dû y passer 3 séances pour enfin résoudre le problème. Après avoir essayé plusieurs positions et autres méthodes à la radicalité illusoire, je me suis convaincue de ne pas avoir l’allonge nécessaire pour claquer la relance, à la manière d’un genre qui n’est pas le mien. J’ai donc trouvé un petit grain dans le mur qui me permettait de remonter un peu mes hanches, mais là encore, je n’atteignais pas la prise finale... à deux phalanges près.



A ma troisième séance, et son premier essai, j’entame ma méthode avec le petit grain en inter, qu’il me faut charger par une traction adhérente sur un doigt. Alors que je le sens super bien pour avoir réussi à bien remonter mon bassin, ma main droite sur le grain zippe et me voilà au sol. Je suis certes hyper frustrée, mais surtout je me rends compte que je n’ai pas seulement zippé : la peau du doigt me permettant de crocheter l’adhérence du picot s’est complètement déchirée, et en profondeur... du sang, du sang, du sang. Je n’avais rien à perdre à mettre plusieurs bonnes couches de strap bien serrées et de réessayer. Au run suivant, après le fameux grain, j’ai réussi à remonter stat la main droite et à coller un plat relevant plus du toucher que de la vue, probablement perceptible par un placement du corps plus pertinent, puis à remonter la main gauche petit à petit jusqu’à atteindre le bac final. Je crois que tout le monde était en apnée, tétanisés et à bout de souffle, moi compris. Voilà, c’était encore une histoire trop éphémère, une histoire de bloc... celle d'un 8a auquel trois mouvements ne semblant pas grand chose ont rajouté une couche pour ma taille. Un morphotype de bloc et une manière symbolique qui me convenait parfaitement : de la longueur, du travail de pied, de la pure technique, des micro-calages et ... aucune violence de résolution, si ce n'est le scalp sanguinolent du majeur droit.

Buttermilks - Pollen grains


C’est mon nouveau secteur préféré de Bishop. Pour y accéder, il faut continuer jusqu’au bout le chemin qui emmène au secteur des Buttermilks. Après une dizaine de minutes de marche d’approche, on découvre d’énormes blocs sur un plateau très ouvert, avec une vue magnifique sur la vallée. Les blocs proposent des lignes bien différentes, toutes super classes. Chacun de ces blocs semble intéressant.


Au titre des très belles lignes, les plus belles croix reviennent à Josh, qui enchaîne l’impressionnant Specter en 8b, qui lui aura demandé de la réflexion et un calage millimétré pour un mouvement compliqué. Il enchaînera au terme d'un essai de travail, sans vraiment s'y attendre. Thomas qui enchaîne Return Jedi, un 7c+ déroulant sur une magnifique dalle demandant une très bonne qualité de pieds, avec de grands mouvements au début, suivie d’une fin aérienne à plus de 6 mètres.

Jours de repos

La météo clémente et notre faim de grimpe ne nous auront pas laissé beaucoup de jours de repos. Pour l’occasion, Mammoth Lake nous aura un peu déçu. Ce n’est qu’une ville/station de ski. Au retour, nous nous sommes arrêtés à différents lacs : Twins lakes, gelés à notre passage, et Convict Lake, un peu plus bas dans la vallée, un beau havre de tranquillité.



Enfin, le must-do en cette période hivernale, ce sont les sources chaudes. Nous avons cédé à la tentation d’aller nous tremper dans l’une d’elle, un jour de bise polaire... glaciale. C’était génial ! Notre choix s’est porté sur Wild Willies aux Whitmore hot tubs. Elle se compose de deux petits bains naturels et distincts, dont l’accès depuis le parking a été aménagé avec un ponton en bois. Le lieu vaut le détour et nous aura laissé le souvenir très singulier de prendre un bain avec un bonnet sur la tête, la vapeur d'eau gelant instantanément sur l'herbe au bord des bassins.



Vous trouverez quelques images de plus sur cette vidéo.

Bishop Trippin from Cold House Media on Vimeo.